Des récits de rêves érotiques, des conseils de masturbation, des photos pornographiques, des poils pubiens ou des flacons de sperme joints au courrier… : la correspondance de Constant et de Gabrielle, époux séparés par la guerre, ne ressemble assurément à aucune autre. D’abord réformé en raison de sa santé fragile, Constant M. est mobilisé en février 1915. La mort dans l’âme, il quitte son village jurassien, son commerce de vins, et sa femme Gabrielle. Dès le début, les lettres sont quotidiennes. Elles racontent l’horreur des tranchées, les espoirs d’une fin prochaine de l’hécatombe, implorent le secours du Petit Jésus et de la Vierge. Les prières partagées, les médailles miraculeuses, tentent de conjurer le malheur. Mais, menacé par la dépression, Constant souffre trop. Il dévoile peu à peu l’étendue de sa frustration, tout en se refusant à aller voir les prostituées, comme sa femme le lui conseille. Gabrielle l’encourage à se confier davantage. Les prières cèdent alors la place aux confidences érotiques, les médailles à des colis plus singuliers : recettes de jouissance, photos et objets sexuels… Au cœur de la tourmente, dans l’échange complice de leurs fantasmes exacerbés par la distance, jaillit la force inattendue d’une grande passion amoureuse… A travers cette correspondance exceptionnelle, la guerre fera ainsi progressivement découvrir à ces époux, mariés depuis dix ans, une intimité qu’ils n’avaient jamais connue auparavant et qui cessera à la mort de Constant, à Salonique, en 1916.
Jean-Yves Le Naour est chargé de cours à l’Université de Toulouse. Spécialiste de la Première Guerre mondiale, il a publié de nombreux ouvrages.
Martine Bazennerye, petite-nièce de Constant M., a retrouvé dans le grenier de la maison de Gabrielle cette correspondance complète ; elle est consultante en communication orale, comédienne et metteur en scène.