"Depuis l’aventureux voyage de Bruce, des notions plus nettes sur l’Abyssinie ontremplacé chez nous les fables séculaires qui faisaient de l’empire des négus [1] quelquechose d’aussi inconnu et d’aussi mystérieux que le Monomotapa. Ce résultat estprincipalement dû à quelques relations, à quelques livres accueillis en France, en Angleterre,en Allemagne, avec une faveur généralement méritée. Ce mouvement de publicité atoutefois subi un temps d’arrêt depuis douze ou quinze ans, chose regrettable, car c’estprécisément dans cette période que l’Abyssinie a fait le premier essai sérieux de sareconstitution politique et sociale. Cet essai doit d’autant moins passer inaperçu que c’estpeut-être le seul effort de ce genre qu’un peuple en décadence ait tenté en prenant pourmodèle, non la civilisation moderne de l’Europe, mais la civilisation qu’il avait su atteindreautrefois. Quelle que soit l’issue finale de cette tentative hardie, il n’est peut-être pas sansintérêt d’en connaître les phases et surtout d’étudier l’homme étrange qui y préside, et dontle nom depuis deux ans commence à nous devenir familier".