Son histoire l’a prouvé, le roman tient à deux mondes divergents, qu’il met en lutte autant qu’il les rapproche : celui de la réalité et celui des fictions imaginées par ses personnages. Mais lorsque les rêves des personnages tendent à se confondre avec la réalité, le roman n’atteint-il pas les limites de son action ? De cette frontière, témoignent tout particulièrement les œuvres romanesques du XIXe siècle. De Balzac à Zola, de Flaubert à Proust, le personnage réaliste rêve des fictions toujours plus ténues qui lui font perdre ses contours et le rapprochent des figures de plus en plus abstraites exposées par la peinture de la même époque. Parvenu à ce point critique, le roman doit trouver les moyens de se poursuivre : passage fascinant, analysé ici par Isabelle Daunais à la lumière de ce qu’elle appelle une histoire interne du roman. À travers le roman réaliste, c’est ainsi l’«œuvre» générale du roman qu’elle éclaire sous un angle nouveau. Isabelle Daunais est professeur de littérature à l’Université Laval. Elle a publié de nombreuses études sur la littérature du XIXe siècle (Flaubert et la scénographie romanesque, Nizet, 1993 ; L’art de la mesure ou l’invention de l’espace dans les récits d’Orient, Presses universitaires de Vincennes et Les Presses de l'Université de Montréal, 1996), et sur le roman.