René Girard et ses thèses radicales hantent le paysage intellectuel mondial. Cependant, du fait de la position marginale de leur auteur (décentré par rapport à ses propres études de chartiste, par sa position critique post-freudienne et post-lévi-straussienne, par sa position géographique et professionnelle américaine), ces fantômes peinent à prendre corps dans la recherche universitaire littéraire de notre pays. Depuis quelque temps, toutefois, Girard jouit enfin en France d'une certaine reconnaissance, et des penseurs de premier plan n'hésitent plus à dire l'influence qu'il a pu exercer sur eux et sur leurs travaux.Lecteurs anciens et passionnés de son oeuvre, H. Heckmann et N. Lenoir ont décidé de passer outre à l'étrange désintérêt que cet auteur, « médiéviste renégat », manifeste lui-même pour la littérature française du Moyen Âge et ont invité leurs collègues à tester ses hypothèses anthropologiques sur des échantillons variés de la littérature narrative des XIIe et XIIIe siècles. Publiant avec son autorisation l'adaptation scientifique d'un de ses deux articles sur le sujet et nonobstant la difficulté théorique que présente une telle entreprise, ils en proposent ici les premiers résultats.