La modernité québécoise est-elle caractérisée par une absence du maître ? Voilà la question à partir de laquelle sont relues ici les œuvres de Saint-Denys Garneau, de Jacques Ferron et de Réjean Ducharme. Pour y répondre, Michel Biron a lu attentivement leurs principales œuvres à l'aide de la sociocritique des textes et de l'anthropologie. Le concept de « liminarité », ainsi que l'a pensé Victor W. Turner, lui permet de jeter un éclairage nouveau sur ces classiques de la littérature québécoise. Chez eux, les bords sont peuplés, mais le centre, lui, est vide ; cette étonnante géographie suppose des communautés qui ne le sont pas moins. Garneau, Ferron et Ducharme imaginent une société en creux, un espace de communication soumis aux lois de l'amitié plutôt qu'à un système hiérarchisé. La littérature s'offre à eux tel un terrain vague, un « grand loisir » (Ferron) où rien n'est vraiment interdit. À la littérature comme institution et à l'histoire comme série de ruptures, l'écrivain liminaire, qui refuse d'être un « homme de lettres » (Ducharme), oppose l'écriture comme « commencement perpétuel » (Garneau). Il ne se reconnaît plus de maîtres. Mais en a-t-il jamais eu ? Michel Biron enseigne la littérature à l'Université du Québec à Montréal. Il a publié La modernité belge (1994), Le roman célibataire (avec Jacques Dubois, Jean-Pierre Bertrand et Jeannine Paque, 1996) et Un livre dont vous êtes l'intellectuel (avec Pierre Popovic, 1998). - Prix Jean-Éthier-Blais de la fondation Lionel-Groulx, 2001 - Finaliste, prix du Gouverneur général du Canada, 2001 - Prix de l'Association des professeurs de français des universités et collèges du Canada, 2002