Qu’est-ce que le tiers-mondisme ? Pour les tenants de ce courant politique, il s’agissait de faire la révolution dans les pays en voie de développement ; pour nombre d’auteurs français, il a été, de 1950 à 1985, un discours phare. Désormais raillé, quand il n’est pas oublié, le tiers-mondisme reste pourtant d’actualité, car il annonçait la crise contemporaine des figures de l’intellectuel et du militant. Quarante ans après son apogée, le temps est venu d’analyser, en historien des idées, la rencontre inattendue entre la « faucille » et le « condor », entre une gauche radicale et le cône Sud de l’Amérique latine. Examinant le tiers-mondisme latino-américain, Mauricio Segura retrace son émergence, son apogée et sa décomposition, et il démonte ses logiques argumentative et narrative. Né de la conjoncture de la Guerre froide, ce complexe idéologique est non seulement le signe du rejet de la politique par les intellectuels sous la Ve République, mais aussi un transfert utopique, la manifestation d’un désir d’exotisme et une réaction contre le féminisme. Le tiers-mondisme est ici replongé dans le vacarme des discours de la deuxième moitié du XXe siècle. En se penchant sur des essais ou des romans de Sartre, Fanon, Debray, Detrez, Bruckner, mais aussi de Camus, Lévi-Strauss, Aron et Revel, sans oublier les romans de Gérard de Villiers, Mauricio Segura rappelle que si le héros tiers-mondiste court le monde, c’est autant pour saisir l’Autre que pour se comprendre lui-même. Né en 1969, Mauricio Segura est docteur de l’Université McGill (Montréal). Il a publié plusieurs articles sur les rapports entre les idées politiques et la littérature de la deuxième moitié du XXe siècle. Il est également l’auteur de deux romans, Côte-des-Nègres et Bouche-à-bouche. La faucille et le condor est son premier essai.