La présente édition critique veut rétablir avant toute chose l'œuvre de Louis Dantin qui a, ni plus ni moins, permis au Nelligan fondamental d'exister. Le texte total de ce livre incertain, l'un des plus importants et, sans doute, le premier chef-d'œuvre de critique et de création de notre littérature, acquiert enfin le statut de l'accompli et du définitif. Dantin avait lui-même effectué son tri parmi les manuscrits de Nelligan, transcrivant au propre au moins cent sept poèmes, ainsi qu'un certain nombre de fragments ou d'extraits. Cet ouvrage qu'il avait longuement planifié, il en avait aussi entrepris la réalisation typographique dans l'atelier de sa communauté religieuse, où il imprimait le Petit Messager du Très Saint Sacrement. Tout le processus tourna court lorsqu'il dut s'éclipser, le 25 février 1903. La famille Nelligan confia alors la suite des opérations à Charles Gill et à la Librairie Beauchemin. Ainsi paraissait en février 1904 un livre sans auteur affiché, œuvre d'un poète notoirement alié et d'un mystérieux personnage dont même le pseudonyme était gommé de la page de titre. Non seulement les éditions subséquentes furent-elles publiées à l'insu de Dantin, mais il fut lui-même attaqué et vilipendé par une certaine critique qui croyait ainsi servir la gloire de Nelligan. En rétablissant les faits et en renouant avec son œuvre authentique, c'est donc une véritable réhabilitation de Louis Dantin qu'entreprend cette édition critique. Co-auteur de l'édition critique des poésies complètes d'Émile Nelligan (1991), Réjean Robidoux a publié entre autres ouvrages Connaissance de Nelligan (1992) et Fonder une littérature nationale (1994).