Le roman québécois a souvent détenu un statut problématique aux yeux de la critique, comme si, pour être pleinement romanesque, il lui manquait sans cesse une composante jugée essentielle : la maturité, l’amour ou encore l’aventure. Certains avancent même que, contrairement au roman européen, à partir duquel on l’a beaucoup lu, il n’y aurait pas de transformation du personnage dans le roman écrit au Québec. Or se pourrait-il que celle-ci, pourtant souvent annoncée mais évitée, soit liée à autre chose qu’à l’ascension sociale propre au réalisme français ? Qu’elle ne soit pas un idéal à atteindre, mais bien une étape dans un processus de dépossession et que l’enjeu des oeuvres serait alors de raconter la façon dont les personnages lui résistent ? C’est l’hypothèse qu’avance l’auteur du présent ouvrage, qui s’attache à relire par ce biais la façon dont certains romans modernes québécois expriment leur négativité. L’analyse, qui s’appuie principalement sur les oeuvres d’Anne Hébert, de Gabrielle Roy et de Réjean Ducharme, montre également que la dépossession revêt une dimension formelle en devenant elle-même romanesque.
- Liste des abréviations
- INTRODUCTION. L’incapacité romanesque comme tradition de lecture
- CHAPITRE 1. Galerie de portraits du dépossédé (de 1863 à 1945)
- Les illusionnés
- L’écrivain comme passeur
- La recluse
- Résistant(e)s
- Les «mauvais pauvres» du roman de la terre
- Les survenants
- Conclusion: au seuil d’une transformation
- CHAPITRE 2. Anne Hébert: hantise de la parole
- La dépossession existentielle
- La dépossession en héritage
- Toucher au monde par fragments
- L’âge de la parole hébertienne
- Le retrait du dépossesseur
- L’être ravalé
- L’intériorisation du crime
- Le passé impossible à tuer
- Une lutte pour le contrôle du récit
- L’absence au réel
- L’embourgeoisement: la vie est ailleurs
- Le statut problématique de la polyphonie hébertienne
- La dépossession par le collectif
- Désir et prise de conscience
- Prise de parole
- Un roman stoppé dans sa dialogisation
- Conclusion: un combat perdu d’avance
- CHAPITRE 3. Gabrielle Roy: les espaces épargnés
- Les héros sans espace du «grand réalisme»
- Une forme particulière de romans
- Temps réaliste et espace romantique
- Le «chant impérissable» des espaces royens
- Errer sur les routes d’Altamont
- Porter les autres en soi
- Perdre son espace épargné
- Prison avec vue sur l’infini: le peuple des dépossédés
- La voix des étangs
- Héroïnes en quête de romanesque
- Deux mondes en lutte
- Multiplier les espaces épargnés
- Être rattrapé par le réel
- Revenir en écrivant: l’écrivain(e) face à la dépossession
- Conclusion: c’est le temps qui a manqué
- CHAPITRE 4. Réjean Ducharme: le feu par le feu
- Des utopies négatives
- Ne pas finir fini: le suicide comme pacte de lecture
- Explorer le roman européen en sens inverse
- Quand les idées se dédoublent
- Son nom est Personne
- Les redditions
- Devenir le monstre
- L’idylle comme spectacle
- Aimer ce que l’on n’a pas: la loi de l’offre et de la demande
- Allumer le contre-incendie de la dépossession
- Revêtir l’âge adulte comme une camisole de force
- Rater son échec
- CONCLUSION. Vers un safe space romanesque
- Répondre comme les oiseaux
- Tomber de son nid
- Qu’une éclipse
- Mettre fin à la parade des pompiers
- Bibliographie
- 1. OEuvres étudiées
- 1.1 Corpus romanesque primaire
- 1.2 Corpus romanesque secondaire
- 2. Travaux critiques portant spécifiquement sur le corpus
- 2.1 Le roman québécois d’avant 1945
- 2.2 Anne Hébert
- 2.3 Gabrielle Roy
- 2.4 Réjean Ducharme
- 3. Articles et ouvrages théoriques généraux
- 3.1 Articles, ouvrages ou parties d’ouvrages consacrés exclusivement ou non au roman québécois
- 3.2 Travaux théoriques sur le genre romanesque
- 3.3 Autres références critiques
- Remerciements
- Table des matières