La théorie réaliste de l’interprétation soutient la thèse en vertu de laquelle l’interprétation est un choix, une décision, pas acte de connaissance et que l’interprète authentique est l’auteur de la norme. Cette théorie ne justifie rien, elle décrit un fait : le fait que la norme en vigueur est la signification que l’interprète authentique attribue au texte et elle l’explique par un autre fait : ce n’est pas parce que cet interprète en a la compétence qu’il crée la norme, mais parce qu’avant son intervention il n’y avait pas de norme, mais seulement un texte et parce qu’il n’y a pas de recours possible contre sa décision. Cette théorie de l’interprétation aboutit à une théorie de la science du droit, qui, indépendamment de sa validité, relève de l’épistémologie normative parce qu’elle ne nous dit pas ce que la science du droit est, mais ce que la connaissance du droit devrait être pour qu’elle corresponde aux normes d’une science. Et elle n’est qu’une théorie de la science du droit parce qu’elle correspond peu ou prou à la pratique des juristes académiciens qui restent attachés à leur statut de faiseurs de doctrines. Je maintiens donc la même thèse que j’avais soutenue il y a trente ans : « Si l’on se place du point de vue d’une épistémologie descriptive, on doit conclure à l’inexistence d’une science du droit… Si l’on se place du point de vue d’une épistémologie normative, on doit, à notre sens, admettre la possibilité d’une intelligence du droit se traduisant par un système cohérent de propositions théoriques relatives et réfutables. »